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ET LES FLAGELLÉS DE PARIS

Quand, par les grandes marées, la vague déchaînée, déferle et se brise contre les rochers, en millions de paillettes argentées et phosphorescentes, semblables à une pluie d’étoiles ; par une nuit de tempête, et elles sont fréquentes dans ces parages, quand le vent mugit avec fureur, que le tonnerre gronde avec rage, que les éclairs déchirent les nues et semblent les diviser, par de longs rubans de feu, que la mer démontée chante dans sa houle le requiem de ceux qui vont mourir ; que les femmes, les mères et les enfants des marins, agenouillés sur les dalles du calvaire, pleurent, prient, gémissent, se lamentent pour leurs pères, leurs fils ou leurs frères, dont les barques ne reviendront peut-être jamais, que la cloche du village sonne le tocsin, que dans son glas funèbre elle semble dire au ciel : « Ouvre-toi, encore une victime qui va monter là-haut », elle, souriante, le visage radieux, fait ouvrir ses fenêtres et contemple avec un bonheur indicible, ce bouleversement de la nature ; c’est le moment choisi par elle,pour satisfaire sa passion : l’horrible excite les nerfs des pervertis, de même que le beau agit sur une âme calme. Elle sonne fébrilement sa femme de chambre :

— Lucienne, ma chambre noire est-elle prête ?

— Elle l’est toujours, madame, quand je prévois la tempête.