Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/136

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Comme fortune donneroit,
La fueille plaine de verdure,
Ou la fleur pour toute l’année ;
Si prins la feuille pour livrée,
Comme lors fut mon aventure.
     Tantost après je m’avisay
Qu’à bon droit l’avoye choisie
Car, puis que par mort perdu ay
La fleur, de tous biens enrichie,
Qui estoit ma Dame, m’amie,
Et qui de sa grâce m’amoit
Et pour son amy me tenoit,
Mon cueur d’autre flour n’a plus cure ;
Adonc cogneu que ma pensée
Acordoit à ma destinée.
Comme fut lors mon aventure.
     Pource, le fueille porteray
Cest an, sans que point je l’oublie ;
Et à mon povoir me tendray
Entierement de sa partie ;
Je n’ay de nulle flour envie,
Porte la qui porter la doit.
Car la fleur, que mon cueur amoit
Plus que nulle autre créature,
Est hors de ce monde passée,
Qui son amour m’avoit donnée,
Comme lors fut mon aventure.


ENVOI

     Il n’est fueille, ne fleur qui dure
Que pour un temps, car esprouvée
J’ay la chose que j’ay contée
Comme lors fut mon aventure.