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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/138

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CHARLES D’ORLÉANS.

ENVOI

     La vérité est telle que je dy,
J’en fais juge Amour, le puissant Roy ;
Tresdoulce fleur, point ne te cry mercy,
Riens n’ay meffait, se pense je, vers toy.


BALLADE LXIII.


     En la forest d’Ennuyeuse Tristesse,
Un jour m’avint qu’a par moy cheminoye,
Si rencontray l’Amoureuse Déesse
Qui m’appella, demandant où j’aloye.
Je respondy que, par Fortune, estoye
Mis en exil en ce bois, long temps a,
Et qu’à bon droit appeller me povoye
L’omme esgaré qui ne scet où il va.
     En sousriant, par sa tresgrant humblesse,
Me respondy : « Amy, se je savoye
Pourquoy tu es mis en ceste destresse,
A mon povoir voulentiers t’ayderoye ;
Car, jà pieçà, je mis ton cueur en voye
De tout plaisir, ne sçay qui l’en osta ;
Or me desplaist qu’à present je te voye
L’omme esgaré qui ne scet où il va.
     — Helas ! dis je, souverainne Princesse,
Mon fait savez, pourquoy le vous diroye ?
C’est par la Mort qui fait à tous rudesse,
Qui m’a tollu celle que tant amoye,
En qui estoit tout l’espoir que j’avoye,
Qui me guidoit, si bien m’acompaigna
En son vivant, que point ne me trouvoye
L’omme esgaré qui ne scet où il va.