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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/149

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POÈME DE LA PRISON.

Car Vieillesse, la mère de courrous,
Qui tout abat et amaine au dessoubz,
Vous donnera dedens brief une atainte.
     Au derrenier, ne la povez fuir.
Si vous fault mieulx, tantdis qu’avez Jeunesse,
À vostre honneur de Folie partir,
Vous esloingnant de l’amoureuse adresse ;
Car, en descort sont Amours et Vieillesse :
Nul ne les peut à leur gré bien servir.
Amour vous doit pour excusé tenir,
Puisque la Mort a prins vostre maistresse.
     Et tout ainsi qu’assés est avenant
À jeunes gens, en l’amoureuse voye
De temps passer, c’est aussi mal séant
Quant en amours un vieil homme folloye ;
Chascun s’en rit, disant : Dieu quelle joye !
Ce foul vieillart veult devenir enfant !
Jeunes et vieulx du doy le vont monstrant,
Moquerie par tous lieux le convoye.
     À vostre honneur povez Amours laisser
En jeune temps, comme par Nonchalance :
Lors ne pourra nul de vous raconter.
Que l’ayez fait par faulte de Puissance ;
Et dira l’en que c’est par Desplaisance
Que ne voulés en autre lieu amer,
Puisqu’est morte vostre Dame sans per,
Dont loyaument gardez la souvenance.
    Au Dieu d’amours requerez humblement
Qu’il lui plaise de reprandre l’ommage
Que lui feistes, par son commandement,
Vous rebaillant vostre cueur qu’a en gage,
Merciez le des biens qu’en son servage
Avez receuz ; lors gracieusement
Departirez de son gouvernement,
À grant honneur comme loyal et sage.