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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/150

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CHARLES D’ORLÉANS.

     Puis requerés à tous les amoureux
Que chascun d’eulx tout ouvertement die
Se vous avez riens failly envers eulx,
Tant que suivy avez leur compaignie,
Et que par eulx soit la faulte punie ;
Leur requerant pardon de cueur piteux,
Car de servir esties désireux
Amours, et tous ceulx de sa seigneurie.
     Ainsi pourrez departir du povoir
Du Dieu d’Amours, sans avoir charge aucune.
C’est mon conseil, faittes vostre vouloir,
Mais gardez vous que ne croiez Fortune
Qui de flater est à chascun commune ;
Car tousjours dit qu’on doit avoir espoir
De mieulx avoir, mais c’est pour décevoir.
Je ne congnois plus faulse soubz la lune.
     Je sçay trop bien, s’escouter la voulez
Et son conseil plus que le mien eslire,
Elle dira que, s’Amours delaissiez,
Vous ne povez mieulx vostre cueur destruire ;
Car vous n’aurés lors à quoy vous deduire,
Et tout plaisir à nonchaloir mettrès,
Ainsi, le temps en grant ennuy perdrés,
Qui pis vauldra que l’amoureux martire.
     Et puis après, pour vous donner confort,
Vous promettra que recevrez amende
De tous les maulx qu’avez souffers à tort,
Et que c’est droit qu’aucun guerdon vous rende ;
Mais il n’est nul qui à elle s’atende,
Qui tost ou tard ne soit, je m’en fais fort,
D’elle deceu, à vous je m’en raport ;
Si pry à Dieu que d’elle vous deffende. »
     En tressaillant, sur ce point m’esveillay,
Tremblant ainsi que sur l’arbre la fueille.
Disant : Helas ! oncques mais ne songay