Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/170

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BALLADE II.

     Je meurs de soif, en cousté la fontaine ;
Tremblant de froit ou feu des amoureux ;
Aveugle suis, et si les autres maine ;
Povre de sens, entre saichans, l’un d’eulx ;
Trop négligent, en vain souvent soigneux ;
C’est de mon fait une chose faiée,
En bien et mal par fortune menée.
     Je gaingne temps, et pers mainte sepmaine ;
Je joue et ris, quant me sens douloreux ;
Desplaisance j’ay d’espérance plaine ;
J’attens bon eur en regret angoisseux ;
Riens ne me plaist, et si suis désireux ;
Je m’esjoïs, et cource à ma pensée,
En bien et mal par fortune menée.
     Je parle trop, et me tais à grant paine ;
Je m’esbays, et si suis courageux ;
Tristesse tient mon confort en demaine,
Faillir ne puis, au moins à l’un des deux ;
Bonne chiere je faiz quant je me deulx ;
Maladie m’est en santé donnée,
En bien et mal par fortune menée.


ENVOI

     Prince, je dy que mon fait maleureux
Et mon prouffit aussi avantageux,
Sur ung hasart j’asserray quelque année,
En bien et mal par fortune menée.