Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/171

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BALLADE III.

     Comment voy je ses Anglois esbaÿs !
Resjoÿs toy, franc royaume de France.
On apparçoit que de Dieu sont haÿs,
Puis qu’ilz n’ont plus couraige ne puissance.
Bien pensoient, par leur oultrecuidance ;
Toy surmonter et tenir en servaige,
Et ont tenu à tort ton heritaige.
Mais à présent Dieu pour toy se combat
Et se monstre du tout de ta partie,
Leurgrant orgueil entierement abat,
Et t’a rendu Guyenne et Normandie.
     Quant les Anglois as pieça envaÿs,
Rien n’y valoit ton sens ne ta vaillance.
Lors estoies ainsi que fut Taÿs
Pecheresse qui, pour faire penance,
Enclouse fut par divine ordonnance.
Ainsi as tu esté en reclusaige
De Desconfort, et douleur de Couraige.
Et les Anglois menoient leur sabat
En grans pompes, baubans et tirannie.
Or, a tourné Dieu ton dueil en esbat,
Et t’a rendu Guyenne et Normandie.
     N’ont pas Anglois souvent leurs Rois traÿs ?
Certes ouil, tous en ont congnoissance ;
Et encore le Roy de leur paÿs
Est maintenant en doubteuse balance ;
D’en parler mal, chascun Anglois s’avance ;
Assez monstrent, par leur mauvais langaige,
Que voulentiers lui feroient oultraige.
Qui sera Roy entr’eux est grant desbat ;