Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/212

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Ilz sont pour moy, plusieurs ans a passez,
Mis en oubly ; aussi mon instrument
Qui les servoit, a fait son testament
Et est retrait et devenu hermite ;
Il dort tousjours, à parler vrayment.
Comme celui qui en riens ne prouffite.
     Ne parlez plus de ce, je vous en prie,
Dieux ait l’ame de tous les trespassez !
Parler vault mieulx, pour faire chiere lye,
De bons morceaulx et de frians pastez,
Mais qu’ilz soient tout chaudement tastez ;
Pour le present, c’est bon esbatement ;
Et qu’on ait vin pour nettier la dent ;
En char crue mon cueur ne se delitte.
Oublions tout le vieil gouvernement,
Comme cellui qui en riens ne prouffite.
     Quant Jeunesse tient gens en seigneurie,
Les jeux d’amours sont grandement prisez ;
Mais Fortune qui m’a en sa baillie,
Les a du tout de mon cueur deboutez,
Et desormais, vous et moi excusez.
De tels esbatz serons legierement,
Car faiz avons nos devoirs grandement
Ou temps passé. Vers Amours me tiens quicte.
Je n’en vueil plus, mon cueur si s’en repent
Comme cellui qui en riens ne prouffite.


ENVOI.

     Vieulx soudoiers avecques jeune gent
Ne sont prisiez la valeur d’une mitte ;
Mon office resine plainement,
Comme cellui qui en riens ne prouffite.