Aller au contenu

Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et plus de douleur me court seure,
Qui m’est si tresdure à passer
Que je desire trespasser
Plus de mille foys en une heure.
     Que je sceusse prendre plaisir
En riens qui soit, fors desplaisir,
Las ! je ne pourroye loing d’elle.
Car c’est celle que mon desir
M’a fait pour maistresse choisir,
Comme s’il n’en feust point de telle.
Tout mon bien et mal vient de celle ;
Ainsi, comme il plaist à la belle,
Il n’en est qu’à sa voulenté ;
Et ne cuidez pas que vous celle
Que ce ne soit celle qu’appelle
Devant chascun : ma Léauté.
     Puis que je l’ame si tresfort,
N’a pas doncques Amours grant tort
De moy faire tant endurer ?
Ou dire fault qu’il soit d’accort
Que pour trop amer prengne mort,
Ou moy faire desesperer,
Quant pour plaindre, pour souspirer,
Pour mal qu’il me voye tirer,
Il ne m’en a que pis donné !
En ce point me fault demourer,
Car mieulx vault ainsi qu empirer ;
Veez là comment suis gouverné !
     Helas ! ce qui plus me tourmente,
Et dont fault que plus de dueil sente,
C’est la grant doubte que je fais,
Que je défaille à mon entente,
Et que du tout perde l’attente
De mes tant desirez souhais ;
Car je suis seur, plus qu’oncques mais,