Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/246

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LA COMPLAINTE DE FRANCE.

     France, jadis on te souloit nommer.
En tous pays, le trésor de noblesse,
Car un chascun povoit en toy trouver
Bonté, honneur, loyaulté, gentillesse,
Clergie, sens, courtoisie, proesse.
Tous estrangiers amoient te suir.
Et maintenant voy, d’ont j’ay desplaisance,
Qu’il te convient maint griel mal soustenir,
Trescrestien, franc royaume de France.
     Scez tu dont vient ton mal, à vray parler ?
Congnois tu point pourquoy es en tristesse ?
Conter, le vueil, pour vers toy m’acquiter,
Escoutes moy, et tu feras sagesse.
Ton grant orgueil, gloutonnie, peresse,
Convoitise, sans justice tenir,
Et luxure, dont as eu abondance,
Ont pourchacié vers Dieu de te punir,
Trescrestien, franc royaume de France.
     Ne te vueilles pour tant desesperer.
Car Dieu est plain de merci, à largesse.
Va t’en vers lui sa grace demander,
Car il t’a fait, de jà pieçà, promesse
(Mais que faces ton advocat Humblesse,)
Que tresjoyeux sera de toy guerir ;
Entierement metz en lui ta fiance,
Pour toy et tous, voulu en crois mourir,
Trescrestien, franc royaume de France.
     Souviengne toy comment voult ordonner
Que criasse Montjoye, par liesse,
Et, qu’en escu d’azur, deusses porter