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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/58

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CHARLES D’ORLÉANS.

Et si lui dist que plus la nourriture
De moy n’auroit et que Dame Jeunesse
Me nourriroit et seroit ma maistresse.
Ainsi du tout Enfance delaissay
Et avecques Jeunesse m’en alay.
     Quant Jeunesse me tint en sa maison,
Un peu avant la nouvelle saison,
En ma chambre s’en vint un bien matin
Et m’esveilla, le jour saint Valentin,
En me disant : « Tu dors trop longuement,
Esveille toy et aprestes briefment.
Car je te veuil avecques moy mener
Vers un seigneur dont te fault acointer,
Lequel me tient sa servante treschière.
Il nous fera, sans faillir, bonne chière. »
     Je respondy : « Maistresse gracieuse,
De lye cœur et voulenté joyeuse
Vostre vouloir suy content d’acomplir.
Mais humblement je vous veuil requerir
Qu’il vous plaise le nom de moy nommer
De ce seigneur dont je vous oy parler.
Car s’ainsi est que sienne vous tenés,
Sien estre veuil, se le me commandés,
Et en tous faiz vous savez que desire
Vous ensuir, sans en riens contredire.
     — Puis qu’ainsy est, dist elle, mon enfant,
Que de savoir son nom desirez tant.
Sachiez de vray que c’est le Dieu d’Amours
Que j’ai servy et serviray tousjours,
Car de pieçà suy de sa retenue,
Et de ses gens et de lui bien congneue.
Oncques ne vis maison, jour de ta vie,
De plaisans gens si largement remplie ;
Je te feray avoir d’eulx accointance,
Là trouverons de tous biens habondance. »