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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/74

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CHARLES D’ORLÉANS.


BALLADE IV.

     Comment se peut un povre cueur deffendre,
Quant deux beaulx yeulx le viennent assaillir.
Le cueur est seul, desarmé, nu et tendre,
Et les yeulx sont bien armez de plaisirs ;
Contre tous deux ne pourroit pié tenir,
Amour aussi est de leur aliance ;
Nul ne tendroit contre telle puissance.
     Il lui convient ou mourir ou se rendre,
Trop grant honte lui seroit de fuir.
Plus baudement les oseroit attendre,
S’il eust pavais dont il se peust couvrir ;
Mais point n’en a, si lui vault mieulx souffrir
Et se mettre tout en leur gouvernance :
Nul ne tendroit contre telle puissance.
     Qu’il soit ainsi bien me le fist aprandre
Ma maistresse, mon souverain désir.
Quant il lui pleut jà pieçà entreprandre
De me vouloir de ses doulx yeulx ferir :
Oncques depuis mon cueur ne peut guérir,
Car lors fut il desconfit à oultrance :
Nul ne tendroit contre telle puissance.


BALLADE V.

     Espargniez vostre doulx attrait
Et vostre gracieux parler,
Car Dieu scet les maulx qu’ilz ont fait
À mon povre cueur endurer.
Puis que ne voulez m’acorder
Ce qui pourroit mes maulx guérir,