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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/75

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POÈME DE LA PRISON.

Laissiez moy passer ma meschance,
Sans plus me vouloir assaillir
Par vostre plaisant accointance.
     Vers Amours faittes grant forfait,
Je l’ose pour vray advouer.
Quant me ferez d’amoureux trait
Et ne me voulez conforter,
Je croy que me voulez tuer.
Pleust à Dieu que peussiez sentir
Une fois la dure grevance
Que m’avez fait long temps souffrir
Par vostre plaisant accointance.
     Helas ! que vous ay je meffait
Par quoy me doyez tourmenter ?
Quant mon cueur d’amer se retrait,
Tantost le venez rappeller ;
Plaise vous en paix le laissier,
Ou lui accordez son desir ;
Honte vous est non pas vaillance,
D’un loyal cueur ainsi meurdrir
Par vostre plaisant accointance.


BALLADE VI.

     N’a pas long temps qu’alay parler
À mon cueur tout secrettement,
Et lui conseillay de s’oster
Hors de l’amoureux pensement ;
Mais me dist bien fellement :
Ne m’en parlez plus, je vous prie ;
J’ameray tousjours, se m’aist Dieux,
Car j’ay la plus belle choisie,
Ainsi m’ont raporté mes yeulx.