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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/79

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POÈME DE LA PRISON.

Et de chascun pris et los emportant ;
De ces grans biens est ma Dame garnie.
     Tant bien lui siet à la noble Princesse
Chanter, dancer et tout esbatement,
Qu’on la nomme de ce faire maistresse.
Elle fait tout si gracieusement,
Que nul n’y scet trouver amendement ;
L’escolle peut tenir de courtoisie :
En la voyant aprent qui est sachant,
Et en ses fais qui va garde prenant ;
De ces grans biens est ma Dame garnie.
     Bonté, Honneur, avecques Gentillesse
Tiennent son cueur en leur gouvernement,
Et Loyaulté nuit et jour ne la laisse.
Nature mist tout son entendement
À la fourmer et faire proprement.
De point en point, c’est la mieulx acomplie
Qui au jour duy soit ou monde vivant.
Je ne dy riens que tous ne vont disant :
De ces grans biens est ma Dame garnie.
     Elle semble mieulx que femme Déesse ;
Si croy que Dieu l’envoya seulement
En ce monde, pour monstrer la largesse
De ces haultz dons qu’il a entierement
En elle mis abondonnéement
Elle n’a per, plus ne sçay que je dye ;
Pour foui me tiens de l’aler devisant,
Car moy ne nul n’est à ce souffisant ;
De ces grans biens est ma Dame garnie.
     S’il est aucun qui soit prins de tristesse
Voise véoir son doulx maintenement.
Je me fais fort que le mal qui le blesse
Le laissera pour lors soudainnement,
Et en oubly sera mis plainement ;
C’est Paradis que de sa compaignie,