Je ne fus pas plutôt arrivé, que je m’embarquai au plus vite sur le lac, pour aller voir le village et la maison où est né Virgile. On a bâti sur la place un château qu’on m’avoit fêté et où je comptois trouver des choses dignes d’un homme qui a tant honoré sa patrie. Je n’y vis autre chose qu’une maison de campagne assez propre, où il n’est pas la plus petite question de Virgile. Le village s’appelle cependant Virgiliana. Je demandai pourquoi aux gens du lieu : ils me répondirent que ce nom lui venoit d’un ancien duc de Mantoue, qui étoit roi d’une nation qu’on appelle les Poètes, et qui avoit écrit beaucoup de livres qu’on avoit envoyés en France. Bref, ces ignares Mantouans n’ont pas élevé le moindre monument public à ce prince de la poésie, et tout l’honneur qu’ils lui font aujourd’hui, est de faire servir son image à la marque du papier timbré. Ils n’ont rien fait non plus pour Jules Romain, qui est mort chez eux, après avoir consacré ses talens à l’embellissement et à la sûreté de leur ville.
Le palais du Té est des principaux ouvrages de ce fameux peintre. C’est lui qui a fait le dehors ainsi que le dedans ; mais le dehors, quoique assez beau, ne m’a pas paru un grand chef-d’œuvre. C’est une grande cour carrée, environnée de quatre corps de logis massifs d’ordre dorique, d’où l’on entre dans un péristyle massif aussi, mais noble. Les colonnes y sont assemblées par quatre ; il est décoré de statues, bas-reliefs et fresques, et donne sur un jardin médiocre ; mais bien terminé par un bon morceau d’architecture rustique. La maison ne contient pas le moindre meuble, et personne ne l’habite ; elle reste à l’abandon, tout ouverte comme une grange ; on iroit cependant bien loin pour trouver d’aussi belles choses que celles qu’a faites là Jules Romain. Dans la première pièce de l’appartement à gauche, une double frise chargée de bas-reliefs dans le goût de l’antique, et dans la seconde, un plafond, partie fresque, partie mosaïque ; dans la troisième, il n’y a jamais eu place pour mettre une chaise ; c’est un salon où Jules Romain a représenté à fresque le combat des dieux et des Titans ; les uns accablés de montagnes, les autres lançant des rochers, sont peints tout autour sur les quatre murailles jusqu’en bas. En vérité on ne peut entrer dans cette pièce sans être épouvanté de l’impétueuse imagination, de