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Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/12

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Oui, ces lettres familières, telles qu’elles ont été griffonnées sur une table d’auberge, en robe de chambre et en bonnet, voilà tout ce qui reste de Charles De Brosses, de ce magistrat, de cet historien, de cet antiquaire, de ce géographe, de ce philologue, traduit autrefois en anglais et en allemand. Qui de nous, en effet, soupçonne aujourd’hui l’existence de son traité sur le Culte des dieux fétiches ou Parallèle de l’ancienne religion d’Égypte avec la religion de Nigritie ? Qui pourrait se souvenir de son Histoire des navigations aux Terres australes, ouvrage conseillé par Butfon et qui suscita Bougainville ? Les Allemands eux-mêmes lisent-ils encore le Traité de la formation mécanique des langues, dont il a paru une version à Leipzig en 1801 ? Et les Lettres sur Herculée, et l’Histoire du septième siècle de la République romain, qu’en est-il resté pour nos contemporains ? Une mention de Burnouf, dans les classiques latins de Lemaire, rappelle seulement que Charles De Brosses s’est occupé de Salluste. Il s’en était occupé trente ans ! Son voyage en Italie, ce fut à la recherche d’un livre perdu de Salluste qu’il fut consacré. Un projet d’érudit, lentement poursuivi, amoureusement caressé, aboutit en fin de compte à une charmante correspondance de voyageur, où les fines observations, le don de conter et de peindre, l’esprit de conversation et de société ne laissent pas entrevoir une seule fois le bout de l’oreille du savant. C’est toujours la vieille moralité de la fable : « Un coq, cherchant sa pâture, trouva une perle. » Un membre de l’Académie des Inscriptions peut, à la rigueur, compléter Salluste : mais l’Académie tout entière ferait le voyage d’Italie, elle n’en rapporterait pas la perle qu’a trouvée Charles De Brosses. Il n’est que d’être coq en ce monde pour avoir de ces bonheurs-là. Or il avait du coq, Charles de Brosses, et même du coq bourguignon, qui est une des plus éclatantes variétés du coq gaulois : l’auteur de La Métromanie était aussi de Bourgogne. Un Piron gentilhomme aurait très-bien dit ce qu’il y a de franche gaieté, de galanterie vermeille, et, tranchons le mot, d’honnête et sonore gaillardise dans les Lettres écrites d’Italie. Ne déployons pas mal à propos le mouchoir de Tartufe :