— 108 —
prétendu messire Autenor est quelque honnête particulier
du IX® siècle. (J'ai vu depuis des tombeaux antiques
du temps des Romains et de la même forme que celui-ci ;
mais ce n'est pas à dire que ce soit le tombeau d'Antenor).
On dit que, malgré le méchant état oU Padoue est
réduite, les étrangers qui l'ont connue ne la quittent qu'à
regret. Cela ne peut manquer d'arriver, si ses habitants
sont tous du genre du marquis Poleni, professeur de
mathématiques. Sur une simple indication que nous
avions de l'aller voir, il n'y a sorte d'honnêteté que nous
n'ayons reçue de lui. C'est un homme fort savant, et en
même temps d'une extrême douceur. Il a une bibliothèque
complète de tout ce qui a été écrit en mathématiques. Elle
ne monte pas à moins de cinq mille volumes, chose peu
croyable d'une espèce de gens qui ne parlent guère.
Le marquis Poleni donne maintenant une édition de
Vitruve, d'un très-grand travail. Il a restitué en mille
endroits le texte qui a été, dit-il, fort corrompu par le
cordelier Joconde, architecte, auteur de plusieurs des
ponts de Paris. C'est lui qui fit imprimer cet auteur,
et qui changea le texte lorsqu'il ne le trouva pas conforme
à ses idées. Le marquis Poleni a rétabli le texte véritable
sur les anciens manuscrits. On n'a encore que le premier
volume imprimé ; et ce volume,dont il m'a fait présent, ne
contient que des dissertations préhminaires ; mais ce qui
prouve mieux que c'est un galant homme, c'est son
inclination pour la musique ; il m'a fait entendre M. Negri,
un virtuosissime joueur d'orgues, dont j'ai été assez satis-
fait, et à mon retour à Padoue, il m'a promis de me
procurer Tartini, célèbre violon, et un autre qui ne
lui cède pas.
Je vais actuellement m'embarquer sur le canal de
la Brenta, pour me rendre à Venise ; il y a vingt-cinq
milles d'ici à cette fameuse ville, qui est un des grands
termes de notre voyage : j'ai grande impatience de la
voir. Nous aurons fait alors trois cent quatre-vingts milles
à partir de Gênes, y compris le détour des îles Borromées
qui est de cent milles. Je compte bien trouver là une
quantité de lettres de France, de tous mes parents et amis ;
c'est un des plus grands plaisirs que je pourrai avoir
dans cette ville. Il faut se trouver aussi loin de sa patrie
pour imaginer à quel point on désire d'être instruit de ce