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prétendu messire Autenor est quelque honnête particulier du IX® siècle. (J'ai vu depuis des tombeaux antiques du temps des Romains et de la même forme que celui-ci ; mais ce n'est pas à dire que ce soit le tombeau d'Antenor).


On dit que, malgré le méchant état oU Padoue est réduite, les étrangers qui l'ont connue ne la quittent qu'à regret. Cela ne peut manquer d'arriver, si ses habitants sont tous du genre du marquis Poleni, professeur de mathématiques. Sur une simple indication que nous avions de l'aller voir, il n'y a sorte d'honnêteté que nous n'ayons reçue de lui. C'est un homme fort savant, et en même temps d'une extrême douceur. Il a une bibliothèque complète de tout ce qui a été écrit en mathématiques. Elle ne monte pas à moins de cinq mille volumes, chose peu croyable d'une espèce de gens qui ne parlent guère. Le marquis Poleni donne maintenant une édition de Vitruve, d'un très-grand travail. Il a restitué en mille endroits le texte qui a été, dit-il, fort corrompu par le cordelier Joconde, architecte, auteur de plusieurs des ponts de Paris. C'est lui qui fit imprimer cet auteur, et qui changea le texte lorsqu'il ne le trouva pas conforme à ses idées. Le marquis Poleni a rétabli le texte véritable sur les anciens manuscrits. On n'a encore que le premier volume imprimé ; et ce volume,dont il m'a fait présent, ne contient que des dissertations préhminaires ; mais ce qui prouve mieux que c'est un galant homme, c'est son inclination pour la musique ; il m'a fait entendre M. Negri, un virtuosissime joueur d'orgues, dont j'ai été assez satis- fait, et à mon retour à Padoue, il m'a promis de me procurer Tartini, célèbre violon, et un autre qui ne lui cède pas.


Je vais actuellement m'embarquer sur le canal de la Brenta, pour me rendre à Venise ; il y a vingt-cinq milles d'ici à cette fameuse ville, qui est un des grands termes de notre voyage : j'ai grande impatience de la voir. Nous aurons fait alors trois cent quatre-vingts milles à partir de Gênes, y compris le détour des îles Borromées qui est de cent milles. Je compte bien trouver là une quantité de lettres de France, de tous mes parents et amis ; c'est un des plus grands plaisirs que je pourrai avoir dans cette ville. Il faut se trouver aussi loin de sa patrie pour imaginer à quel point on désire d'être instruit de ce