Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/165

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la vie de Jésus-Christ, dans une quantité de grands tableaux. La vie d’un autre peintre n’auroit pas suffi à faire tout ce qu’il a exécuté ici, et presque toujours fort bien. C’est là que tout peintre trouvera une école inépuisable de dessin et clair-obscur : l’Annonciation, la Fuite en Egypte, la Cène, et surtout la figure de Jésus-Christ, vêtu de blanc devant Pilate, et le grand tableau du Crucifiement, chef-d’œuvre du Tintoret, dont Augustin Carrache a gravé une si belle estampe, m’ont paru admirâbles. Quel dommage que ce peintre, avec tant de talents, n’ait point du tout connu les grâces qui peuvent seules leur donner du prix !

Une chapelle est remplie de belles choses, mal placées dans ce lieu obscur, où on les voit à peine. Il faut considérer le mieux que l’on pourra, le tableau du Baptême de Jésus-Christ, et le beau plafond représentant l’Adoration des Mages ; la Reconnaisance de saint Nicolas, les Stigmates de saint François, et les quatre Evangélistes,par le Veronese ; la Vierge avec saint André, et la Prédication de saint Jean-Baptiste, par le Fiammingo, et surtout la Vierge avec saint Sébastien, saint Nicolas, etc., par le Titien[1]. Cet excellent tableau est fort noirci par le peu de soin qu’on en a eu et par la mauvaise disposition du lieu. La figure de saint Sébastien est très délicate, très-agréable, mais peut-être aussi trop ronde et trop efféminée.

On pourroit appeler Saint-Sébastien l’école de Paul Veronese. On y voit la gradation de son génie, et des ouvrages de lui de toutes ses manières. Le plafond de la sacristie, représentant le Couronnement de la Vierge, par où il a commencé, est fort inférieur à ce qu’il a fait depuis. Les plus belles peintures qu’il ait faites ici, sont le plafond de l’église, représentant l’histoire d’Esther ; les portes de l’orgue représentant au dehors la Purification, et la Guérison du Paralytique ; le tableau de saint Sébastien devant le tyran ; celui de saint Sébastien lié à un tronc d’arbre ; le grand Festin de Jésus-Christ, chez Simon le lépreux, peint dans le réfectoire ; et surtout le Martyre de saint Marc et de saint Marcellian, ouvrage

  1. Ce tableau peint sur bois est aujourd’hui au Vatican ; il y fut transporte par ordre de Clément XIII (Rezzonico) qui était né à Venise.