Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/230

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que je me trouve au milieu du cabinet du Grand-Duc et de tous les chefs-d’œuvre d’art, de sciences, de curiosités, et de douces chiffonneries, qui en font véritablement la chose la plus surprenante du monde ! Je suis si outré de ne vous y pas voir, quand je pense combien ces sortes de choses sont dans votre genre et dans votre goût, que je ne m’y trouve moi-même qu’à moitié. Je ne dis pas non sur la proposition que vous me faites de revenir ici avec vous, si jamais vous avez occasion de le pouvoir faire avec commodité ; mais, que dites-vous de la petite lanternerie queje fais ici, vous envoyant le plan de la galerie de ce cabinet, contenant les statues, selon leur ordre et leur disposition, quoique ce soit beaucoup grossir ma lettre inutilement ; mais j’ai jugé que vous ne seriez pas fâché de donner un coup-d’œil sur le bel arrangement des bustes surtout, et d’admirer comment on a pu rassembler cette suite de têtes antiques d’empereurs romains jusqu’à Alexandre Sévère, si complète que les concurrents même de l’Empire n’y manquent pas, non plus que la plupart des femmes ou filles d’empereurs. Avec cela, comme personne n’avoit encore pris ce plan de la position de chaque chose, et qu’on ne l’a pas donné dans le Musœum Vlorentinum, j’ai été bien aise de le lever, et je vous prie de ne le pas perdre. Je ne vous parle pas de ces six statues grecques, si connues, ni de l’autre appelée V Hermaphrodite ; mais, parmi celles qui sont rangées entre les bustes, de deux en deux, il y en a de dignes d’adoration, c’est-à-dire qui approchent bien fort de la beauté des six premières. Les statues grecques surtout l’emportent sur les romaines, et vous piouvez juger du mérite de ces pièces, puisqu’il n’y en a qu’une de Michel-Ange et une du Sansovino, qui aient été jugées dignes d’avoir une place parmi elles.


C’étoit une famille bien recommandable à mon sens, par son amour pour les bonnes choses, que celle des Médicis. Rien ne fait mieux son éloge que de voir, combien, après avoir usurpé la souveraineté sur un peuple libre, elle est parvenue à s’en faire aimer et regretter. Réellement Florence a fait une furieuse perte en la perdant. Les Toscans sont tellement persuadés de cette vérité, qu’il n’y en a presque point qui ne donnassent un tiers de leurs biens pour les voir revivre, et un autre tiers pour n’avoir pas les Lorrains ; je ne crois pas que rien égale le mépris