Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/282

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turel du duc d’Orléans, Gaston, et de mademoiselle Saugeon, fille d’honneur de Madame. On se met à genoux pour présenter à boire au roi et à la reine, et l’on ne se relève point qu’ils n’aient rendu le verre. À ce propos, je fus un peu indisposé contre la reine qui, au grand scandale des genoux de ma divine Charny, s’amusa pendant une demi-heure à faire la soupe au vin de Canarie dans son verre. Elle a l’air malicieux, la digne princesse, avec son nez fait en gobille, sa physionomie d’écrevisse et sa voix de pie-grièche. On dit qu’elle étoit jolie quand elle arriva de Saxe ; mais elle vient d’avoir la petite vérole. Elle est toute jeune, et n’est même pas encore grande fille. {Nota. Elle a été prise sur le temps. Au moment où j’écrivois ceci à Naples, elle étoit grosse d’un mois ou cinq semaines ; ce qui lui est arrivé avant que rien ne parût.) L’après-dîner fut employé à voir quelques exercices de troupes dans la grande place ; cela fut assez long. Le soir, on fit l’ouverture du grand théâtre du palais par la première représentation de l’opéra de Parthenope, de Domenico Sarri. Le roi y vint ; il causa pendant une moitié de l’opéra et dormit pendant l’autre :

Cet homme assurément n’aime pas la musique.


Il a sa loge aux secondes, vis-à-vis des acteurs : c’est beaucoup trop loin, vu l’énorme grandeur de la salle, dans une partie de laquelle on ne voit guère, et dans l’autre on n’entend point du tout. Les théâtres d’Aliberti et d’Argentina, à Rome, sont bien moins grands, plus commodes et mieux ramassés. Ei^ vérité, nous devrions être honteux de n’avoir pas dans toute laFrance une salle de spectacle, si ce n’est celle des Tuileries, peu commode et dont ^on ne se sert presque jamais. La salle de l’opéra, bonne pour un particulier qui l’a fait bâtir dans sa maison pour jouer sa tragédie de Mirame, est ridicule pour une ville et un peuple comme celui de Paris. Soyez bien certain que le théâtre proprement dit de la salle de Naples est plus grand que toute la salle de l’opéra de Paris, et large à proportion, et voilà ce qu’il faut pour déployer des décorations ; encore m’a-t-ondit que le fond du théâtre n’étoit fermé que par une simple cloison, qui donne sur les jardins du palais ; et, dans le cas où l’on veut donner des