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DU JAPON.

ple le crucifix à la main, il parla du royaume de Dieu avec cette liberté que le Sauveur du monde a tant recommandée à ses apôtres. Mais le jour du salut n’était point encore venu pour ce peuple, et bien que le serviteur de Dieu eût confondu un bonze célèbre en présence de toute la cour, le nombre des convertis ne fut pas grand, et même les prédicateurs eurent à souffrir de quelques violences. Enfin, après un mois de séjour dans Amanguchi, ils poursuivirent leur route vers Méaco.

Ce voyage fut extrêmement pénible ; c’était sur la fin de décembre ; les pluies, les vents, les neiges, les torrents rendaient les chemins impraticables, surtout les chemins détournés qu’il fallait prendre pour éviter de tomber dans les partis de guerre, dont toutes ces provinces étaient remplies. À chaque pas, nos voyageurs s’égaraient et couraient risque de tomber dans quelque précipice, ou de se noyer en traversant des rivières rapides et profondes, ou d’être écrasés par des glaçons énormes qui pendaient du haut des rochers sous lesquels il fallait passer. Avec cela, leur nourriture n’était qu’un peu de riz, que Bernard portait dans un sac. À seize lieues de Méaco, le P. Xavier tomba malade ; il manquait de tout, et néanmoins il guérit en peu de temps. À peine la fièvre l’eut-elle quitté qu’il se remit en marche,