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Pour lui ces deux choses forment un tout indivisible, comme l’homme et la femme. L’homme riche entendait de loin cette chanson populaire ; du fond de son palais il écoutait les moissonneurs. La mélodie seule arrivait jusqu’à lui, le texte se perdait dans le lointain.

Cet air, c’était le parfum enchanteur de la fleur ; le texte, c’était le corps même de cette fleur avec tous ses organes délicats. Or, l’homme de luxe, qui voulait jouir seulement par son odorat et non par ses yeux, détacha le parfum de la fleur, le distilla, le versa dans des flacons pour pouvoir le porter sur lui à volonté, pour en parfumer ses habits quand fantaisie lui en prenait. Pour qu’il eût pu se réjouir également de l’aspect de la fleur, il lui aurait fallu en approcher, descendre de son palais dans les prés, se frayer un passage à travers les branches et les feuilles, et l’homme riche n’en avait aucune envie.

C’est avec cette essence odorante qu’il distrayait l’ennui de sa vie, le néant de son cœur, et le produit artistique qui naquit de cette fécondation contre nature, ce fut l’air de l’opéra. Cet air resta, quelque variées que fussent les combinaisons arbitraires qu’il dut subir, éternellement stérile ; il resta ce qu’il