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est, depuis longtemps, pour les artistes honnêtes, un objet du plus vif dégoût. Mais ceux-ci n’accusent que la corruption du goût et la frivolité de ceux qui l’exploitent, sans considérer que cette corruption tout à fait naturelle et cette frivolité sont inévitables. Si la critique était ce qu’elle s’imagine d’être, elle eût déjà résolu le problème de l’erreur où se meut l’opéra et pleinement justifié le dégoût des artistes honnêtes. Au lieu de cela, elle n’a montré que l’instinct de çe dégoût, elle n’a fait que tourner autour du problème, éprouvant à la résoudre le même embarras que l’artiste à se frayer une issue hors de l’erreur.

Le grand mal, pour le critique, réside dans sa nature même. Le critique ne sent pas la nécessité pressante qui pousse l’artiste à la persévérance et qui arrive à lui faire dire : « La chose est ainsi et non autrement. » Si le critique veut imiter en cela l’artiste, il tombe infailliblement dans le vilain défaut de la présomption, il se prononce avec suffisance sur des choses qu’il ne sent pas d’instinct, qu’il juge d’après les principes arbitraires de l’esthétique et au point de vue de la science abstraite. Si, au contraire, le critique connaît sa vraie position dans le monde artistique, il devient prudent et timide, se contente de