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rassembler des phénomènes pour les soumettre à une étude nouvelle, mais n’ose jamais prononcer le mot décisif avec la sûreté de l’enthousiasme.

La critique vit, de la sorte du progrès continu, en d’autres termes, de l’entretien perpétuel de l’erreur ; elle sent que, si l’erreur venait à être écartée, la réalité, la vraie et nue réalité, entrerait en scène, la réalité qui peut vous réjouir, mais qui n’est plus matière à critique, — de même que l’amant, quand la passion l’emporte, ne s’avise pas de méditer sur la nature et l’objet de son amour. Il manquera toujours à la critique, tant qu’elle existera, d’être entièrement pénétrée de l’essence même de l’art ; hors de là, elle ne pourra jamais être entièrement à son objet. La critique vit de si et de mais. Si elle se plongeait complètement dans le fond des phénomènes, elle ne pourrait exprimer nettement qu’une chose, qui est précisément ce fond même, — à supposer que le critique puisse avoir l’aptitude nécessaire, — c’est-à-dire l’amour du sujet. Mais ce fond est tel qu’exprimé nettement, il rendrait toute critique impossible. Il y va donc de l’existence même de la critique, d’être prudente, de se tenir à la surface des phénomènes, d’en conjecturer les effets, et, grâce aux si circonspects et