Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

m’engager au plus profond secret ? Pourquoi ce secret, je vous prie ? Serait-ce pour ménager la sensibilité de cette femme ? — N’importe mes motifs, lui dis-je ; mais je ne m’engage qu’à cette condition. — Ne soyez pas fâché, dit sir Harry, maman ne connaît pas Mistriss Calista. — Je t’épouserai, toi, mon cher Harry, si j’épouse ta mère, lui dis-je en l’embrassant. C’est bien aussi toi que j’épouse, et je te jure tendresse et fidélité. — Madame est trop raisonnable, dit avec gravité mon père, pour ne pas consentir au secret que vous voulez qu’on garde ; mais pourquoi ne pas vous marier secrètement avant que de partir ? J’aurai du plaisir à vous savoir marié ; vous partirez aussitôt qu’il vous plaira après la célébration. De cette manière on ne soupçonnera rien, et, si l’on parlait de quelque chose, votre départ détruirait ce bruit. Je comprends bien comment vous avez envie de faire un voyage de garçon, c’est-à-dire, sans femme. Il fut question de vous envoyer voyager avec votre frère au sortir de l’université, mais la guerre y mit obstacle. Lady Betty fut si bien apaisée par le discours de mon père, qu’elle consentit à tout ce qu’il voulait, et trouva plaisant que nous fussions mariés avant un certain bal qui devait se donner peu de jours après. L’erreur où nous verrions tout le monde, disait-elle, nous amuserait, elle et moi. Avec quelle rapidité je me vis entraîné ! Je connaissais lady Betty depuis environ cinq mois. Notre mariage fut proposé, traité et conclu en une heure. Sir Harry était si aise, que j’eus peine à me persuader qu’il pût être discret. Il me dit que quatre mois étaient trop longs pour pouvoir se taire, mais qu’il se tairait jusqu’à mon départ si je promettais de le prendre avec moi.

Je fus donc marié, et il n’en transpira rien, quoique des vents contraires et un temps très orageux retardassent mon départ de quelques jours qu’il était plus naturel de passer à Bath qu’à Warwick. Le vent ayant