Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/229

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celle qu’on a une fois rencontrée. — « J’avais, dit encore Adolphe, j’avais contracté, dans mes conversations avec la femme qui, la première, avait développé mes idées, une insurmontable aversion pour toutes les maximes communes et pour toutes les formules dogmatiques. » On va voir, en effet, que les maximes communes n’étaient guère d’usage entre eux, et ce sont justement ces conversations inépuisables, ces excès même d’analyse, que nous sommes presque en mesure de ressaisir au complet et de prendre sur le fait aujourd’hui. Adolphe va en être mieux connu ; ses origines morales vont s’en éclairer, hélas ! jusqu’en leurs racines.

M. Gaullieur, dans son introduction, a eu le soin de s’arrêter sur quelques circonstances de la biographie de madame de Charrière, de développer ou de rectifier plusieurs points où les renseignements antérieurs avaient fait défaut. La notice de la Revue des Deux Mondes avait dit d’elle qu’elle était mèdiocrement jolie ; M. Gaullieur fournit des preuves très satisfaisantes du contraire : " Son buste par Houdon, dit-il, et son portrait par Latour, que je possède dans ma bibliothèque, témoignent de l’étincelante beauté de madame de Charrière. L’épithète est d’un de ses adorateurs[1]. « On avait dit encore qu’elle avait eu quelque difficulté à se marier, étant sans dot ou à peu près. M. Gaullieur montre qu’elle reçut en dot 100,000 florins de Hollande et qu’à aucun moment les épouseurs ne manquèrent ; qu’elle en refusa même de maison souveraine, et que, si elle se décida

  1. Oserons-nous, après cela, faire remarquer qu’il ne faut pas toujours prendre exactement au pied de la lettre ce que disent les adorateurs ? Dans un portrait d’elle par elle-même, madame de Charrière semblr être un peu moins certaine de sa beauté ; « Vous me demanderez peut-être si Zélinde est belle, ou jolie, ou passable ? Je ne sais ; c’est selon qu’on l’aime, ou qu’elle veut se faire aimer. Elle a la gorge belle, elle le sait, et s’en pare un peu trop au gré de la modestie. Elle n’a pas la main blanche, elle le sait aussi et en badine, mais elle voudrait bien n’avoir pas sujet d’en badiner… »