Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

politiques ou des pamphlets à l’anglaise ; les vôtres par leur brièveté m’encouragent. Il faut que je m’arrange, si je parviens à en faire une vingtaine, avec un libraire. Je lui paierai ce qu’il pourra perdre pour l’impression des trois premières. S’il continue à perdre, basta, adieu les feuilles ! S’il y trouve son compte, il continuera à ses frais, à condition qu’il m’enverra cinq exemplaires de chacune à Brunswick.

« Mais, pour vendre la peau de l’ours,
« Il faut lavoir couché par terre. »

« Il est une heure, et je finis : presque point de phrases.

H. B. C. »


Pourtant il a fallu partir, il a fallu quitter ce doux nid de Colombier au cœur de l’hiver et se mettre en route pour Brunswick. Aux premières lettres de regrets et de plaintes, on sent, chez le voyageur, qui a tant de peine à s’arracher, un ton inaccoutumé d’affection et de reconnaissance qui touche ; on reconnaît que ce qui a manqué surtout, en effet, à cette jeunesse d’Adolphe pour l’attendrir et peut-être la moraliser, ç’a été la félicité domestique, la sollicitude bienveillante des siens, le sourire et l’expansion d’un père plus confiant. Aux persécutions, aux tracasseries intérieures dont il est l’objet, on comprend ce que ce jeune cœur a dû souffrir et comment l’esprit chez lui s’est vengé. Il y a d’ailleurs dans toutes ces lettres bien de l’amabilité et de la grâce ; celle par laquelle il réclame de madame de Charrière son audience de congé, à son passage de Lausanne à Berne, est d’un tour léger, à demi coquet, qui trahit un certain souci de plaire. Nous donnons, d’après M. Gaullieur, cette série curieuse à laquelle il ne manque pas un anneau.