Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/272

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« — Votre Altesse sérénissime dansera-t-elle encore ?

« — Votre Altesse sérénissime est infatigable. » A une heure à peu près, je pris une indigestion d’ennui, et je m’en allai avant les autres. Mon estomac est beaucoup plus faible que je ne croyais ; mais, en doublant peu à peu les doses, il faut espérer qu’il se fortifiera.


Le 6 au soir.

« Que faites-vous actuellement, madame ? Il est six heures et un quart. Je vois la petite Judith qui monte et qui vous demande : Madame prend-elle du thé dans sa chambre ? Vous êtes devant votre clavecin à chercher une modulation, ou devant votre table, couverte d’un chaos littéraire, à écrire une de vos feuilles[1]. Vous descendez le long de votre petit escalier tournant, vous jetez un petit regard sur ma chambre, vous pensez un peu à moi. Vous entrez. Madame Cooper bien passive, et mademoiselle Moulat bien affectée[2], vous parlent de la princesse Auguste ou des chagrins de miss Goldworthy. Vous n’y prenez pas un grand intérêt. Vous parlez de vos feuilles ou de votre Pénélope, M. de Charrière caresse Jaman ; on lit la gazette, et mademoiselle Louise[3] dit : Mais ! mais ! mais ! — Moi, je reviens d’un grand dîner, et je ne sais que diable faire. Je pourrais bien vous écrire, mais ce serait abuser de votre patience et de celle du papier. Ma lettre, si je n’y prends garde, deviendra un volume. Heureusement que la poste part demain. J’espère aussi que demain au soir ou après-demain matin elle m’apportera une de vos lettres. Pour à présent, il n’y a plus de calcul qui tienne, et petit

  1. Toujours les feuilles sur la révolution de Hollande.
  2. Ces deux dames avaient été gouvernantes dans de grandes maisons en Angleterre.
  3. Mademoiselle Louise de Penthaz, sœur de M. de Charriere.