Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/276

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stant, maintenant qu’il ne vit plus, n’est pas une chose iiidifrérente. Eh bien ! ici, portes closes, nous l’entendons causer. « Pardonnez-moi le style désultoire de ma lettre, » (krit-il quelquefois à madame de Charrière : pour nous, bien plutôt nous l’en remercions.


Ce 9 mars.

« Flore a accouché avant-hier au soir de cinq petits, dont un ressemble à Jaman, à l’exception des taches noires de cet illustre chien sur le dos que son fils n’a pas. Il est tout blanc et n’a de noir que les deux oreilles. Je l’ai appelé Jaman du nom de son père, et je lui destine the most liberal education

« Je vous prie de m’envoyer le livre de M. Necker[1] par les chariots de poste, Berne, Bâle, Francfort et Cassel. Il n’y a rien de plus aisé. Cela me coûtera peut-être un peu de port ; mais, comme j’ai beaucoup plus envie que mes remarques sur cet ouvrage paraissent bientôt que je ne désire garder un louis dans ma bourse, je vous prie instamment de me l’envoyer. Si j’avais votre talent, je vous dirais : Faites brocher le livre de M. Necker, mettez-le entre deux poids pendant deux heures, déchirez la couverture et envoyez-la-moi : je la considérerai bien des deux côtés. je jugerai le livre et j’imprimerai[2].

« Mais, comme je ne l’ai pas, je vous supplie de m’envoyer vulgairement tout l’ouvrage. L’idée que vous me donnez de prendre occasion d’esquisser mes propres idées me paraît excellente. Si vous vouliez donc faire

  1. Le livre de l’Importance des Idées religieuses, qui parut en 1788. il voulait le réfuter, d'après ses idées religieuses ou antireligieuses à lui.
  2. Il paraît que madame de Charrière avait le talent de critiquer les livres en prenant tout juste la peine d’y jeter les yeux : « J’en ai lu dix moitiés de page au moins, disait-elle de je ne sais quel ouvrage ; ainsi, vous ne m’accuserez pas, comme à propos des Opinions religieuses, de juger sur la couverture du livre. »