Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/277

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partir le Necker tout de suite, vous me feriez le plus grand plaisir. Dans six mois, il ne sera plus temps, au lieu qu’à présent mes observations pourront faire quelque sensation.

« On continue toujours ici à me traiter assez bien. Je dîne presque tous les jours ou à la cour régnante ou à l’une des deux autres cours. Du reste, je ne m’amuse ni ne m’ennuie. J’ai fait connaissance, aujourd’hui 10, avec quelques gens de lettres, et je compte profiter de leurs bibliothèques beaucoup plus que de leur conversation. Les Allemands sont lourds en raisonnant, en plaisantant, en s’attendrissant, en se divertissant, en s’ennuyant. Leur vivacité ressemble aux courbettes des chevaux de carosse de la duchesse : they are ever puffing and blowing when they laugh, et ils croient qu’il faut être hors d’haleine pour être gai, et hors d’équilibre pour être poli. »

Nous supprimons (ne pouvant tout donner) une assez drôle histoire d’un professeur de français, Boutemy, un pédagogue bien arriéré, bien réfugié, et qui veut faire le Parisien du dernier genre ; il est moqué et drapé sur toutes les coutures. Benjamin Constant excellait à ce jeu-là. On sait que madame de Staël écrivait de lui, pendant leurs excursions et leurs séjours en province : « Le pauvre Schlegel se meurt d’ennui ; Benjamin Constant se tire mieux d’affaire avec les bêtes. » Les bêtes et les sots, il avait appris de bonne heure à en tirer parti et plaisir : cette petite cour de Brunswick lui fournit une ample matière ; mais, à la façon dont il y débute, on voit qu’il n’en était plus depuis longtemps à ses premières armes.


Le 11.

« J’ai passé mon après-dînée à faire des visites, et j’avais passé ma matinée à acheter, angliser, arranger, essayer un cheval. C’est le seul plaisir coûteux que je veuille me permettre ; encore ai-je contrived de le rendre aussi peu coû-