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benjamin constant

faible, sot et vil, et de plus destiné à n’être que tel, » il le croit très habituellement, il ose l’écrire, et pourtant… Voici des pages beaucoup trop démonstratives de ce que nous avançons :


Vendredi, ce 6 juillet 1791.

« … La politique, qui est la seule chose qui pique encore un peu ma faible curiosité, me persuade plus tous les jours ces vérités affligeantes. Croiriez-vous que les gens les plus violents dans l’assemblée nationale, ceux qui affichent le républicanisme le plus outré, sont de fait vendus à l’Autriche ? Merlin, Bazire, Guadet, Chabot, Vergniaud, le philosophe Condorcet[1], sont soudoyés pour avilir l’assemblée, et les démarches incroyables dans lesquelles ils l’entraînent sont autant de pièges qu’ils lui tendent ; ils se déshonorent pour la déshonorer. Ce Dumouriez que je croyais fol, mais de bonne foi, est du parti des émigrés. C’est pour quelque argent qu’il a fait déclarer la guerre, qu’il sacrifie des millions d’hommes. Ces gueux-là ne sont pas même des scélérats par ambition, ou des enthousiastes de liberté. Ils sont démagogues pour trahir le peuple. Cet excès d’infamie, dont j’ai vu les preuves, m’a inspiré un tel dégoût, que je n’entends plus les mots d’humanité, de liberté, de patrie, sans avoir envie de vomir… »


Nous continuons de démontrer le pour et contre en ce grand et mobile esprit du futur tribun :

« (1792.) Je crois bien qu’à deux cents lieues d’ici l’argument que je suis à Brunswick fait un effet superbe con-

  1. Il est inutile de remarquer qu’il se trompe au moins pour quelques uns de ces noms : il subit l’influeuce des fausses informations dont on se repaissait à Brunswick ; il va tout-à-l’heure se rétracter.