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et madame de charrière.

tre mon prétendu jacobinisme. Si l’on savait que je ne vais point à la cour, que je ne sors que pour nie promener et pour voir madame Mauvillon, qu’on ne m’invite jamais, qu’on ne me fait pas même faire mon service, enfin que je suis ici comme si je n’y étais pas, et que les démocrates prudents évitent de me voir de peur de passer pour jacobins, cet argument ferait peut-être moins d’effet… »


« (17 mai 1792.) Si nous parlons de gouvernement, je crois que vous serez contente de moi. En raisonnement, je suis encore très démocrate, il me semble que le sens commun est bien visiblement contre tout autre système ; mais l’expérience est si terriblement contre celui-ci, que si, dans ce moment, je pouvais faire une révolution contre un certain gouvernement, dont vous savez que nous n’avons guère à nous louer[1], je ne la ferais pas… »


On a, sous le Directoire, lancé contre Benjamin Constant, c ; iui venait de se déclarer républicain en France, une imputation absurde et calomnieuse : on l’a accusé d’avoir rédigé la proclamation du duc de Brunswick ; ce sont là de ces inventions de parti comme celle de l’assassinat d’André Chénier contre Marie-Joseph ; c’est ce qu’on appelle jeter à son adversaire un chat en jambes. Or, nous lisons à la date du 5 novembre 1792 : « Voilà nos armées qui s’en reviennent, non pas comme elles sont allées… Voilà Longwy et Verdun, ces deux premières et seules conquêtes rendues aux Français, et 20, 000 hommes et 28 minions jetés par la fenêtre sans aucun fruit. Quand je dis sans aucun fruit, je me trompe, car la paix va se faire, au moins entre la Prusse et la France, et c’est un grand bien… J’espère que le parti de Roland, qui est mon idole, écrasera les Marat, Robespierre, et autres vipères parisiennes… »

  1. Celui de Berne.