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NOTICE.

Théobald lui-même (le jeune baron allemand, amoureux d’Émilie), quand il veut faire trop le sévère, le partisan absolu du devoir, est convaincu de faiblesse aussi et ramené à la tolérance :


« — Monsieur votre fils, dit Constance à madame d’Altendorf, est-il lui-même ce qu’il veut que soient les autres ?… — Comment vous répondre ? dit madame d’Altendorf. En supposant que mon fils ne courbe jamais la règle, mais que, dans certains cas, il la méconnaisse, la brise, la jette loin de lui, est-il ou n’est-il pas ce qu’il veut que l’on soit ? — Quand la passion aveugle, égare, dit Théobald en baissant les yeux, qu’est-ce que l’on est ? On cesse d’être soi-même. — Quoi ! monsieur, dit Constance, vos passions vous maîtrisent à ce point ! Cela est bien redoutable. — Théobald, d’accusateur devenu accusé, se sentit plus doux comme plus modeste, et fut reconnaissant à l’excès du silence qu’Émilie voulut bien garder. »


La seconde partie des Trois Femmes, qui se compose de lettres écrites du château d’Altendorf par Constance à l’abbé de La Tour, ressemble souvent à des conversations qu’a dû offrir le monde de madame de Charrière, en ces années 94 et 95, sur les affaires du temps. Le culte de Jean-Jacques et de Voltaire au Panthéon, un clergé philosophe substitué à un clergé-prêtre, la liberté, l’éducation, tous ces sujets à l’ordre du jour, y sont touchés ; aucun engouement, chaque chose jugée à sa valeur, même madame de Sillery : « J’admire, dit Constance, quelques unes de ses petites comédies ; je fais cas de cet esprit raide et expéditif que je trouve dans tous ses ouvrages ; j’y reconnais à la fois sa vocation et le talent de la remplir. On devrait l’établir inspectrice générale des écoles