mis, affin que par le son ils
pourvoyent à leur conservation. Pour toutes
ces raisons, les sages recommandent tant
l’ouye, la garder vierge et nette de toute
corruption, pour le salut du dedans, comme
pour la seureté de la ville l’on faict garde
aux portes et murs, affin que l’ennemy n’y
entre.
La parole est peculierement donnée à l’homme, present et excellent et fort necessaire. Pour le regard de celuy d’où elle sort, c’est le truchement et l’image de l’ame, animi index et speculum [1], le messager du cœur, la porte par laquelle tout ce qui est dedans sort dehors, et se met en veue : toutes choses sortent des tenebres et du secret, viennent en lumiere, l’esprit se faict voyr ; dont disoit un ancien à un enfant, parle, affin que je te voye, c’est-à-dire ton dedans : comme les vaisseaux se cognoissent s’ils sont rompus, ouverts ou entiers, pleins ou vuides par le son, et les metaux par la touche, ainsi l’homme par le parler : de toutes les parties du corps qui se voyent et se monstrent au dehors, celle qui est la plus voisine du cœur, c'est la langue par sa racine : aussi ce qui suit de plus près la pensée, c'est la parole : de l'abondance du cœur la bouche parle [2]. Pour le regard de celuy qui la reçoit, c’est un maistre puissant et un regent imperieux, qui entre en la forteresse, s’empare du mais-