l’usage d’iceux, affin que l’ame fist mieux et plus librement ses affaires. Que si l’on dict que l’ame estant
sçavante par nature, et sans les sens, tous les
hommes seroient sçavants, et tousjours entendroient
et raisonneroient de mesme. Or est-il qu’il y en a
tant de stupides, et que les entendus font plus foiblement leurs fonctions en un temps qu’en l’autre. L’ame vegetative est bien plus vigoureuse en la jeunesse,
jusques à refaire les dents tombées, qu’en la vieillesse
et au rebours l’ame raisonnable agist plus foiblement
en la jeunesse qu’en la vieillesse, et en certain estat
de santé ou maladie qu’en autre. Mais c’est mal
argumenté ; car, quant au premier, on dict que la faculté
et vertu d’entendre n’est pas donnée pareille à tous,
ains avecques grande inequalité, dont est venu ce dire
ancien et noble en la bouche des sages, que l’intellect
agent est donné à fort peu, et cette inequalité prouve
que la science ne vient des sens ; car, comme a esté
dict, les plus avantagés aux sens, sont souvent les
plus desavantagés en science. Quant au second, que
l’on ne faict ses fonctions tousjours de mesme, il vient
de ce que les instruments, desquels l’ame a besoing
pour agir, ne peuvent pas tousjours estre disposés
comme il faut ; et s’ils le sont pour une sorte de facultés et fonctions, ne le sont pour les autres. Le
temperament du cerveau par lequel l’ame agist est divers
et changeant, estant chaud et humide : en la jeunesse
est bon pour la vegetative, et mal pour la
rai-
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LIVRE I, CHAPITRE XIV.