droicte raison ; puis elle descend en nostre
cœur, et remuë nos affections, avec des
mouvemens violens d’esperance, de crainte, de
tristesse, de plaisir ; bref faict soublever tous
les fols et seditieux de l’ame, qui sont les
passions.
Je veux encore declarer la mesme chose par une autre similitude de la police militaire. Les sens sont et sentinelles de l’ame, veillans pour sa conservation, et messagers ou courriers, pour servir de ministres et instrumens à l’entendement, partie souveraine de l’ame ; et pour ce faire ils ont receu puissance d’appercevoir les choses, en tirer les formes, et les embrasser ou rejetter, selon qu’elles leur semblent agreables ou fascheuses, et qu’elles consentent ou s’accordent à leur nature : or, en exerçant leur charge, ils se doivent contenter de recognoistre et donner advis de ce qui se passe, sans vouloir entreprendre de remuer les hautes et fortes puissances, et par ce moyen mettre tout en allarme et confusion. Ainsi qu’en une armée souvent les sentinelles [1], pour ne sçavoir pas le dessein du chef qui commande, peuvent estre trompés, et prendre pour secours les ennemis desguisés qui viennent à eux, ou pour ennemis ceux qui viennent à leur secours : aussi les sens, pour ne pas comprendre tout ce qui est de la
- ↑ Bastien a mis les sentilles ; mais c'est évidemment une faute d'impression, la première édition porte les sentinelles.