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Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome II, 1827.djvu/306

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elle a ses alleures plus larges et plus libres à cause de la grande, pesante et dangereuse charge qu’il porte et conduict ; dont il luy convient marcher d’un pas qui sembleroit aux autres destraqué et desreiglé, mais qui luy est necessaire, loyal et legitime. Il luy faut quelquefois esquiver et gauchir, mesler la prudence avec la justice, et, comme l’on dict, coudre à la peau de lyon, si elle ne suffit, la peau de renard. Ce qui n’est pas tousiours et en tout cas, mais avec ces trois conditions, que ce soit pour la necessité ou evidente et importante utilité publicque (c’est-à-dire de l’estat et du prince, qui sont choses conjoinctes) ; à laquelle il faut courir ; c’est une obligation naturelle et indispensable, c’est tousiours estre en debvoir que procurer le bien public : (…). Que ce soit à la deffensifve, et non à l’offensifve, à se conserver et non à s’aggrandir ; à se garantir et sauver des tromperies et finesses, ou bien meschancetez et entreprinses dommageables, et non à en faire. Il est permis de jouer à fin contre fin, et près du renard le renard contrefaire. Le monde est plein d’artifices et de malices : par fraudes et tromperies, ordinairement les estats