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Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/144

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Tout ainsi que l’on s’habille, l’on se pare, et se met-on en sa bienseance avant sortir de la maison et se monstrer en public : aussi avant que prendre charge publicque, il faut en son privé apprendre à reigler ses passions, et bien establir son ame. On n’ameine pas au tournouer un cheval neuf, ny s’en sert-on en affaire d’importance, s’il n’a esté dompté et apprins auparavant : aussi, devant que se mettre aux affaires et sur la monstre du monde, il faut dompter ceste partie de nostre ame farouche, luy faire ronger son frein, luy apprendre les loix et les mesures avec lesquelles elle se doibt manier en toutes occasions. Mais au rebours c’est chose piteuse et bien absurde, disoit Socrates, que bien que personne n’entreprenne d’exercer un mestier et art mechanique que premierement il ne l’aye apprins, toutesfois aux charges publicques, et à l’art de bien commander et bien obeyr, de gouverner le monde, le mestier plus difficile de tous, ceux y sont receus et l’entreprennent, qui n’y sçavent du tout rien.