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Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/256

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seulement qui a esté recommandé et donné en garde, mais celuy que la prudence et discretion nous dicte debvoir estre supprimé. Or, comme la parole rend l’homme plus excellent que les bestes, aussi l’eloquence rend ses professeurs plus excellens que les autres hommes ; car c’est la profession de la parole, c’est une plus exquise communication du discours et de la raison, le gouvernail des ames, qui dispose les cœurs et les affections, comme certains tons, pour en faire un accord melodieux. L’eloquence n’est pas seulement une clarté, pureté, elegance de langage, que les mots soyent bien choisis, proprement ageancez, tombans en une juste cadence : mais elle doibt estre aussi pleine d’ornemens, de graces, de mouvemens ; que les paroles soyent animées, premierement d’une voix claire, ronde et distincte, s’elevant et s’abaissant peu à peu ; puis d’une grave et naïfve action, où l’on voye le visage, les mains et les membres de l’orateur parler avec sa bouche, suyvre de leur mouvement celuy de l’esprit, et representer les affections : car l’orateur doibt vestir le premier les passions dont il veust frapper les autres. Comme Brasidas tira de sa propre playe le dard dont il tua