Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/51

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celuy qui reçoit, affin qu’il cognoisse et sente que c’est vrayement à luy que l’on l’a faict. Sur quoy est à sçavoir qu’il y a doubles bienfaicts : les uns sont honorables à celuy qui les reçoit, dont ils se doibvent faire en public : les autres utiles, qui secourent à l’indigence, foiblesse, honte et autre necessité du recepvant. Ceux-cy se doibvent faire secrettement, voire s’il est besoin que celuy seul le sçache qui le reçoit ; et s’il sert au recepvant d’ignorer d’où le bien vient (pource que peust-estre il est touché de honte, qui l’empescheroit de prendre, encore qu’il en eust besoin), il est bon et expedient de luy celer, et luy faire couler le bien et secours par soubs main. C’est assez que le bienfacteur le sçache, et sa conscience luy serve de tesmoin, qui en vaut mille. Sans lesion ou offense d’autruy, et sans prejudice de la justice : bien faire sans mal faire : donner à l’un aux despens de l’autre, c’est sacrifier le fils en la presence du pere, dict le sage. Et prudemment : l’on est quelquesfois bien empesché à respondre aux demandes et prieres, à les accorder ou refuser. Ceste difficulté vient du mauvais naturel de l’homme, mesmement du demandeur, qui se fasche par trop de souffrir un refus, tant juste soit-il et tant doux. C’est pourquoy aucuns accordent et promettent tout, tesmoignage de foiblesse ; voire ne