Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/83

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doux et agreables, ayant la teste bien faicte, plus pleine de sagesse que de science, et qu’ils s’entendent bien ensemble, de peur que, par advis contraires, ou par dissemblable voie de proceder, l’un par rigueur, l’autre par flatterie, ils ne s’entr’empeschent et ne troublent leur charge et leur dessein. Les livres et les propos ne doibvent poinct estre de choses petites, sottes, frivolles, mais grandes, serieuses, nobles et genereuses, qui reiglent les sens, les opinions, les mœurs, comme ceux qui font cognoistre la condition humaine, les bransles et ressorts de nos ames, affin de se cognoistre et les autres ; luy apprendre ce qu’il faut craindre, aymer, desirer ; que c’est que passion, vertu ; ce qu’il y a à dire entre l’ambition et l’avarice, la servitude et la subjection, et la liberté et la licence. Aussi bien leur fera-on avaller les unes plus que les autres. L’on se trompe : il ne faut pas plus d’esprit à entendre les beaux exemples de Valere Maxime, et toute l’histoire grecque et romaine (qui est la plus belle science et leçon du monde), qu’ à entendre Amadis De Gaule, et autres pareils contes vains. L’enfant qui peust sçavoir combien