Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et bien souvent tout est perdu ; mais de les rendre sages, honnestes, habiles, à quoy n’y a tant de despense ny de peine, ils ne s’en soucient pas. Quelle plus notable folie au monde qu’admirer plus la science, l’acquis, la memoire, que la sagesse, le naturel ? Or tous ne commettent pas ceste faute de mesme esprit : les uns simplement meinez par la coustume, pensant que la sagesse et la science ne sont pas choses fort differentes, ou, pour le moins, qu’elles marchent tousiours ensemble, et qu’il faut avoir l’une pour avoir l’autre ; ceux-cy meritent d’estre remonstrez et enseignez : les autres y vont de malice et sçavent bien ce qui en est ; mais, à quelque prix que ce soit, ils veulent l’art et la science, car c’est un moyen maintenant en l’Europe occidentale d’acquerir bruict, reputation, richesses. Ces gens-cy font de science mestier et marchandise, science mercenaire, pedantesque, sordide et mechanique : ils achettent de la science pour puis la revendre. Laissons ces marchands comme incurables.