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Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/95

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d’où viennent ces conseils de nos amis : n’y pensez plus, ostez cela de vostre teste et de vostre memoire. Est-ce pas nous renvoyer et remettre entre les bras de l’ignorance, comme au meilleur abry et couvert qui soit ? C’est bien une mocquerie, car le souvenir et l’oubly n’est pas en nostre puissance. Mais ils veulent faire comme les chirurgiens qui, ne pouvant guarir la playe, la pallient et l’endorment. Ceux qui conseillent se tuer aux maux extremes et irremediables ne renvoyent-ils pas bien à l’ignorance, stupidité, insensibilité ? La sagesse est un bien necessaire et universellement utile à toute chose : elle gouverne et reigle tout ; il n’y a rien qui se puisse cacher ou desrober de sa jurisdiction et cognoissance ; elle regente par-tout en paix, en guerre, en public, en privé ; elle reigle mesme les desbauches, les jeux, les danses, les banquets, et apporte de la bride et de la moderation. Bref, il n’y a rien qui ne se puisse et ne se doibve faire sagement, discrettement et prudemment. Au contraire, sans sagesse tout s’en va en trouble et en confusion. Secondement, la science est servile, basse et mechanique au prix de la sagesse : c’est une chose empruntée avec peine. Le sçavant est comme la corneille revestue et parée de plumes desrobées des autres oiseaux. Il se monstre et entretient le monde, mais c’est aux despens d’autruy ; et faut qu’il mette tousiours la main au bonnet, pour recognoistre et nommer