Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/97

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urs elles sont presque tousiours separées. La raison naturelle est, comme a esté dict, que les temperamens sont contraires ; car celuy de la science et memoire est humide, et celuy de la sagesse et du jugement est sec. Cecy aussi nous est signifié en ce qui advint aux premiers hommes, lesquels sitost qu’ils jetterent leurs yeux sur la science, et en eurent envie, ils furent despouillez de la sagesse, de laquelle ils avoient esté investis dès leur origine : par experience nous voyons tous les jours le mesme. Les plus beaux et florissans estats, republiques, empires anciens et modernes, ont esté et sont gouvernez très sagement en paix et en guerre sans aucune science. Rome, les premiers cinq cents ans qu’elle a flory en vertu et vaillance, estoit sans science ; et sitost qu’elle a commencé à devenir sçavante, elle a commencé de se corrompre, se troubler par guerres civiles, et se ruiner. La plus belle police qui fust jamais, la lacedemonienne bastie par Lycurgue, qui a produict les plus grands personnages, n’avoit aucune profession de lettres ; c’estoit l’eschole de vertu,