Page:Chartier - La Belle Dame sans merci, 1901, éd. Charpennes.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


L’Amant

Qui que m’ait le mal pourchassé,
Cuider si ne m’a point déçu.
Mais amour m’a si bien chassé,
Que je suis dedans vos lacs chu.
Et puisqu’ainsi m’est il eschu
D’estre à merci entre vos mains
Il m’est bien au cheoir meschu.
Qui plus tost meurt en languit moins.

La Dame

Si amoureuse maladie
Ne met guères de gens à mort,
Mais il sied bien que l’on le die
Pour plus tost attraire confort.
Tel se plaint et tourmente fort
Qui n’a pas le plus aspre deulx
Et s’amour grieve tant, au fort
Mieux en vaut un dolent que deux.

L’Amant

Hélas ! ma Dame, il vaut trop mieux
Pour courtoisie et bonté faire,
D’un dolent faire deux joyeux,
Que le dolent du tout deffaire.
Je n’ai désir ne autre affaire,
Fors que mon service vous plaise,
Pour eschanger sans rien meffaire
Doux plaisir en lieu de mesaise.