Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/115

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CXVII.


Du chevalier Chrestien l’ame est en eschauguette
Dans ce cors ennemis lieu de sa garnison
Ou veillant jour & nuit en devote oraison
Elle attend de pié coy le son de la trompette

Si tost comme elle sonne, aussi tost elle est preste
De venir à la charge, & s'armant de raison
Romt de ses ennemis la caute trahison
Faisant au tems prefix une seure retraitte

Rien n'est si perilleus, ou remplis de meschefs,
Pourveu qu'elle obtempere au vouloir de son chef
Que de vaincre & domter elle ne s'evertue

Et si la mort qui met aus meurdres son esbat
L'affronte cors à cors au milieu du combat
Vaincue elle la vaint, & l'abat abatue.


CXVIII.


Ce cors materiel n’est l’habitation
Aincois l'hostellerie, ou l'ame non mortelle
Ses thresors precieus ne cache & ne recelle
Mais pour un seul moment y fait provision.

Ainsi durant le temps de son oppression
Le chetif prisonnier peu de biens amoncelle,
Comme estant asservi quant le juge l'appelle
De venir comparoistre a l'assignation :

Prisonnier de ce cors comporons nous en sorte
Que vivant selon DIEU, rien de nous desconforte
Sur le point de quitter ce terrestre Element.

Le fuseau de la vie usé en innocence,
Donne contre la mort beaucoup de confience,
Celuy la ne craint rien qui vit inocemment.