Mortel pense quel est dessous la couverture
D’un charnier mortuaire un cors mangé de vers,
Descharné, desnervé, où les os descouvers,
Depoulpez, desnouez, delaissent leur jointure :
Icy l’une des mains tombe de pourriture,
Les yeux d'autre costé destournez à l’envers
Se distillent en glaire, et les muscles divers
Servent aux vers goulus d’ordinaire pasture :
Le ventre deschiré cornant de puanteur
Infecte l’air voisin de mauvaise senteur,
Et le né my-rongé difforme le visage ;
Puis connoissant l’estat de ta fragilité,
Fonde en Dieu seulement, estimant vanité
Tout ce qui ne te rend plus sçavant et plus sage.
Quant l’homme vient à naistre incontinant il pleure,
Mais la premiere fois que de soy-mesme il sort
Par un ris gracieus, Fauche, cest quand il dort;
Et ne dure sa joye à grand peine un quart d'heure
Las ! si quelque bon-heur au monde nous bien-heure
C'est seulement en songe, au contraire le sort
Et veillant & dormant, nous importune & mort,
Et le bien seulement en ombre nous demeure.
Encore vers le ciel nous pouvons nous lancer
A la terre adonnez ny l'œil ny le penser,
Ny mesme imaginer quelle est nostre misere
Jusque à tant que la mort de son trait desastreus
Engrave dans nos ceurs que le sepulchre ombreus
Venge sur nous l'erreur de nostre premier pere.