Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/127

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CXLI.


Vous avez beau croupir en ce bas edifice
Le tems de vostre mort vous ne diminu'rez,
Mais aussi longuement endormis vous serez
Que si vous estes mort aus bras de la nourrice.

La vie est toute là, ou quelle se finisse
Ce que du tems futur, mourans, vous laisserez
N'estoit non plus à vous, que les ans expirez
Avant que vous fussiez conceus en la matrice

Nul meurt avant son tour, peut estre au mesme tems
Que vous rendez l'esprit, mille autres moins contens
Ressentant de la mort l'homicide rudesse

N'estimeriez vous pas les pelerins bien fous
Qui vont sans scavoir ou ? chetifs, & pensies vous
N'arriver jamais là ou vous couriez sans cesse ?


CXLII.


Un de nos roys mourut par un porc offencé,
Et l'autre de l'esclat d'une lance pointue
Au tournois fut occis, le toit d'une tortue
De l'endormis Eschile à le cerveau froissé

Un empereur mourut de son pigne blessé,
D'un pepin de raisin Anacreon se tue,
Praticquant dessous soy une dame abbatue
Corneille & Tigillin meurt au jeu commencé,

L'un pour avoir du pié chopé contre le sueil
De l'huis de sa maison, & l'autre du conseil
Trespasserent soudain Lepide, & Aufidie.

Tant de sortes de mors nous enseignent assez
Que pour estre enrollé au ranc des trespassez
Suffit au cors humain la moindre maladie.