Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/126

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CXXXIX.


Pense toy qui te fie en ta jeune vigueur
Combien d'autres munis de plus grandes prouesse
Sont en peu d'heures cheus en debile foiblesse,
Trainant leur pauvre vie en misere et langueur

Voys comme va le tems, & de quelle longueur
Il compasse tes jours, & de quelle vistesse
Il t'ameine la mort, & de quelle rudesse
La Parque contre tous exerce sa rigueur.

Puis fondant tout en pleurs de l'homme si fragile
Tu plaindras en regret la nature imbecille,
Comme ce roy Persan amerement pleuroit

Qui contemplant d'en haut son nombreus exercite
Estoit bien asseuré que d'une telle suitte,
Pas un cent ans passez vivant ne resteroit.


CXL.


Pour avoir transgressé la divine ordonnance
Du Seigneur justicier, nostre premier ayeul
O jugement de DIEU, ne fust pas punis seul
Mais sur toute la race en tomba la vengence.

La mort au mesme instant saillit hors du silence
De l'abysme ensouffré, desnouant le linceul
Ou elle estoit cousue, & sortant du cercueil
Assujestit nos cors aus loys de sa puissance.

Bu son si tost le ciel nous fust clos & barré,
L'insatiable enfer ouvert & desserré,
Et la honte & la peur en nos ames prist place.

Voila comme le mal de nos predecesseurs
A de lepre infecté les enfans successeurs
Polluant & gastant toute l'humaine race.