Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/151

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CLVII.


N'estimerois tu pas le nocher bien badin
Qui courant sur les flos une triste avanture,
Ne voudroit onc du port rencontrer l'embouchure
S'elougnant en dedain du rivage voisin ?

Et toi qui vas battant le perilleus chemin
Sains voile & sans timon de la mer de nature,
Importuné des vens de mespris et d'injure
A ton cour hasardeus tu ne veus mettre fin.

Gaigne gaigne la rade, & jouissant à l'heure
D'un repos asseuré, en fortune meilleure
Tu vivras desormais sans agitation

Cest abus d'estimer que la mort ravissante
A toute extremité nous combatte & tourmente
Tout son tourment consiste en l'apprehension.


CLVIII.


Ton pere devancier lequel est decedé
A il contre la mort treuvé quelque remede ?
N'est-ce pas la raison que la place tu cede
Aus hommes à venir laquelle on ta cedé ?

De vivre sans mourir il n'est point concedé,
La mort contre nous tous egalement procede,
Et ny charme, ny sort, ni tout l'art de Tolede
Le pouvoir du destin ne retiennent bridé

Un enfant meurt sans peur, & de crainte tu tremble
Quant d'avecque l'esprit la Parque desassemble
Ce cors materiel, corruptible & pesant

Laslie ne scay d'ou vient ce fol desir aus hommes
De vivre longuement, si ce n'est que nous sommes
Apres ce qui nous est d'avantage nuisant.